
Le conseil municipal de la ville de Nouméa s’est réuni en séance publique le mardi 4 mars 2025 à dix-huit heures, pour le débat d’orientation budgétaire en amont du vote du budget 2025.
Le débat d’orientation budgétaire est un exercice obligatoire prévu à l’article L. 212-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie. Il s’appuie sur un rapport et doit avoir lieu dans les deux mois précédant l’examen du budget primitif. Sans aucun caractère décisionnel, il permet à l’assemblée délibérante d’échanger sur les orientations budgétaires qui préfigureront les priorités déclinées dans le projet de budget primitif et d’être informée sur l’évolution de la situation financière de la collectivité.
Ainsi, après un bref rappel du contexte économique et financier local et un exposé de la situation financière de la Ville, ont été présentées aux membres du conseil municipal les orientations du budget pour 2025 ainsi que les perspectives pour la période 2025-2027.
I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER 2024
L'économie calédonienne reste fortement affectée par les émeutes de mai 2024, comme le souligne l’IEOM dans sa dernière publication de décembre. Après une chute historique au deuxième trimestre, l’indicateur du climat des affaires a rebondi (+8,9 points), mais demeure très bas (73,8), en dessous du niveau observé lors de la pandémie de Covid-19.
Les émeutes de mai 2024 ont eu des conséquences humaines et matérielles lourdes : augmentation du chômage, fragilisation des comptes sociaux, recul de la consommation et contraction des crédits bancaires. Si certaines entreprises ont pu relancer partiellement leur activité, 62 % d’entre elles prévoient une nouvelle baisse au prochain trimestre et 45 % craignent une défaillance d’ici un an.
L’emploi salarié privé a chuté de 17,2 % sur un an, avec une perte d’environ 9 000 emplois, principalement en raison de la crise du nickel et des troubles sociaux. Le secteur métallurgique, déjà en difficulté, a subi une forte baisse d’activité, avec des reculs importants de la production et des exportations.
Dans le secteur du BTP, les ventes de ciment ont atteint un niveau historiquement bas (-41,4 %) et témoignent de l’arrêt brutal de l’activité. Le tourisme, quant à lui, a été frappé par l’interruption des croisières et la fermeture temporaire de l’aéroport, entraînant une forte baisse du
trafic aérien. Les prévisions d’investissement dans ces secteurs se sont nettement détériorées, reflétant un manque de perspectives et un pessimisme généralisé.
Face à ces difficultés, l’État a soutenu la Nouvelle-Calédonie avec une avance de trésorerie de 27 milliards de francs CFP destinée à compenser la perte des recettes fiscales du budget de répartition.
La décision modificative n° 6 du budget propre de la Nouvelle-Calédonie a eu pour objectif d’entériner l’aide de l’Etat permettant de compenser les pertes de recettes fiscales mais également d’éviter les ruptures de trésorerie du RUAMM, du système électrique et d’assurer un financement complémentaire des régimes de chômage. Enfin, une partie de l’enveloppe du soutien de l’Etat a permis à la Nouvelle-Calédonie de payer les mandats en instance dus au titre du budget de reversement au profit des provinces et des communes (5 milliards de francs CFP pour la seule commune de Nouméa).
Dans un contexte post-émeutes marqué par des finances publiques fragilisées, un déficit des comptes sociaux aggravé et une offre de soins dégradée, le financement des besoins pour 2025 demeure un défi majeur, alors que les discussions engagées sur l’avenir institutionnel du territoire ne permettent pas de garantir à ce stade, une stabilité politique, économique et sociale.
II. LA SITUATION DE LA VILLE SAUVEGARDÉE
1. Une épargne préservée
Evolution des recettes de fonctionnement (en MF)

En 2024, les baisses de recettes enregistrées se sont élevées à 2,4 milliards de francs CFP : 1,1 milliard de francs CFP sur les recettes fiscales (dont 1 milliard de francs CFP sur les centimes additionnels) et 1,3 milliard de francs CFP sur le FIP.
S’agissant du FIP, l’assiette nette des dotations aux collectivités a été impactée par les pertes fiscales au budget de la Nouvelle-Calédonie, passant de 110 milliards de francs CFP prévus initialement à 81 milliards de francs CFP pour l’année 2024. L’effet cliquet ne permettant plus de garantir aux communes le même niveau de dotation du FIP qu’en 2023, la diminution du FIP fonctionnement pour 2024 pour la Ville s’est élevée à 1,2 milliard de francs CFP.
Il est à souligner que la Ville a reçu en 2023, 110 millions de francs CFP de manière exceptionnelle correspondant à un réajustement du FIP 2022.
La perte de recettes a été compensée par des recettes propres plus importantes à hauteur de 458 millions de francs CFP, dont 456 millions de francs CFP issus de produits exceptionnels, qui ont porté la diminution globale des recettes de fonctionnement à 2 milliards par rapport à 2023.
En contrepartie, pour faire face à la baisse importante de ses ressources, la Ville a été contrainte de prioriser les dépenses, favorisant les services essentiels au détriment d’autres dépenses de fonctionnement.

Globalement, les dépenses de fonctionnement diminuent de 2 milliards de francs CFP par rapport à 2023. Toutes les dépenses sont en baisse sauf les charges financières :
- charges de personnel : - 90 millions
- dépenses de gestion : - 1,5 milliard
- subventions et contributions : - 453 millions
- charges financières : + 43 millions
En matière de personnel, plusieurs contrats n’ont pas été renouvelés, les départs à la retraite et les postes vacants n’ont pas été systématiquement remplacés et les heures supplémentaires ont été limitées.
Concernant les dépenses de gestion, certaines prestations ont dû être réduites au strict minimum voire supprimées. Ce fut le cas des festivités de fin d’année.
La Ville a dû réduire son soutien financier aux structures et associations, dont la plupart des projets ont été reportés ou annulés en raison du contexte, à hauteur de -213 millions de francs CFP pour les subventions et de -240 millions de francs CFP pour les contributions.
Par rapport à 2023, les intérêts de la dette ont augmenté de 14 millions de francs CFP mais aussi les intérêts (29 millions de francs CFP) dus à la ligne de trésorerie d’un milliard de francs CFP que la commune a dû souscrire auprès de la Société Générale en juin 2024 afin de pallier l’absence de versement des recettes fiscales attendues du gouvernement. Cette ligne de trésorerie n’a pu être remboursée qu’en fin d’année 2024, grâce à l’aide de l’Etat à hauteur de 5 milliards de francs CFP, aide venue compenser la perte de recettes attendues de la Nouvelle-Calédonie.
En section de fonctionnement, la perte de recettes étant équivalente à la baisse des dépenses, l’épargne a donc pu être préservée.
Pour rappel, l’épargne correspond à l’excédent de recettes sur les dépenses servant à financer les dépenses d'équipement et à rembourser la dette.
L’épargne dégagée s’établit à 18 % à la clôture de l’exercice 2024 (contre 19 % en 2023), toujours au-dessus du plancher de 15 % des recettes recommandé par les organismes financiers.
La Ville a donc su préserver sa situation financière en maintenant une épargne confortable pour financer son programme d’investissement et rembourser sa dette grâce à l’aide de l’Etat.
Evolution de l’épargne

2. L’évolution du programme d’investissement
A l’instar des dépenses de fonctionnement, une révision et une priorisation des opérations du programme d’investissement ont également été opérées pour tenir compte des conséquences de la crise sur les chantiers.
Ainsi, plusieurs opérations n’ont pas pu être réalisées ou ont été modifiées dans le planning de réalisation compte tenu du contexte. Néanmoins, les chantiers prioritaires lancés avant les émeutes ont été poursuivis tels que l’aménagement de la route du Port Despointes, l’aménagement du terrain de la polyclinique, le renforcement du réseau d’eaux pluviales rue Jean Jaurès, la construction du bâtiment des archives municipales, la réfection des trottoirs, la rénovation de la place Bir Hakeim.
Par ailleurs, en raison d’une situation de trésorerie très critique, le remboursement de la dette en capital au titre des échéances du 2ème semestre 2024 a été différé en 2025.
La dynamique retrouvée en 2021 à la sortie de la crise COVID, avec un niveau d’investissement de près de 6 milliards de francs CFP a été ralentie par la crise en 2024. Pour autant, le programme d’investissement exécuté se maintient à un niveau satisfaisant de 5,2 milliards de francs CFP.
Evolution du programme d’investissement (en MF)

L’investissement cumulé de la collectivité s’élève à 36,2 milliards de francs CFP sur la période, soit une moyenne annuelle de 5,2 milliards de francs CFP. La Ville a poursuivi son développement, l’amélioration du cadre de vie des administrés et le soutien à l’économie locale.
Le mode de financement des investissements réalisés reste sain, basé principalement sur des ressources non coûteuses, à savoir l’épargne
Evolution du financement des programmes d’investissement (en MF)
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Total 2018-2024 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Investissements réalisés | 6 384 | 5 737 | 4 000 | 4 414 | 4 551 | 5 954 | 5 161 | 36 201 |
Epargne nette | 33% | 41% | 60% | 46% | 51% | 58% | 53% | 48% |
Subventions | 9% | 19% | 13% | 30% | 16% | 23% | 16% | 17% |
Emprunt | 58% | 40% | 27% | 24% | 33% | 19% | 32% | 35% |
3. La situation de trésorerie
Bien que l'exercice 2024 affiche un excédent, il n'en reste pas moins que le solde de trésorerie de la collectivité était critique à la clôture de l'exercice 2024. Ces deux concepts financiers, bien que distincts, sont néanmoins étroitement liés.
L'excédent budgétaire est un concept comptable lié à l'exécution des recettes et dépenses prévues au budget, tandis que le solde de trésorerie mesure les liquidités disponibles, prenant en compte les flux de trésorerie réels : encaissements et décaissements effectués.
Ainsi, à la clôture de l'exercice 2024, le solde de trésorerie s’élevait à 760 millions de francs CFP, avec un stock de dépenses engagées à décaisser d'un montant de 2,5 milliards de francs CFP et de recettes non perçues de la Nouvelle-Calédonie s'élevant à 5 milliards de francs CFP.
4. Un endettement modéré et une solvabilité satisfaite
A la clôture de l’exercice 2024, l’encours de la dette s’élève à 15,1 milliards de francs CFP et le taux d’endettement de la Ville s’établit à 82,6 % des recettes. Ce taux reste en-deçà de la limite maximale de 150 % préconisée par les bailleurs de fonds.
La capacité de désendettement est de 4,8 années contre 3,5 années en 2023, assurant la solvabilité de la Ville en dessous des 7 années d’épargne nécessaire.
L’encours de la dette communale se répartit entre l’Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignation (CDC) comme suit :
- AFD : 13 448 millions (89 %),
- CDC : 1 683 millions (11 %).
Le profil d’extinction du stock de dette porte le terme à 2044. Enfin, la structure de la dette communale est composée à 89 % de prêts à taux fixe et à 11 % de prêts à taux indexés sur des livrets d’épargne (Livret A ou Livret d’Epargne Populaire).
STRUCTURE DE LA DETTE AU 31/12/2024

III. LES ORIENTATIONS DU BUDGET 2025
Conformément à la trajectoire présentée sur les perspectives, les priorités de la Ville pour son programme d’investissement porteront sur la poursuite des chantiers prioritaires lancés en 2024 et sur la reconstruction des structures ou équipements brûlés ou saccagés durant les émeutes de mai 2024.
1. Les chantiers prioritaires
Opération | CP 2025 | Financement | |
---|---|---|---|
Bâtiment de la France Australe | Dernières situations | 7 500 000 F | - |
Bâtiment des archives | Poursuite de la construction du bâtiment des archives municipales | 170 767 100 F | Etat – solde : 28 000 000 F |
Terrain de la polyclinique | Poursuite du réaménagement du site | 131 177 700 F | - |
Pôle jeunesse | Réhabilitation de l’ancien hôtel de police en espaces dédiés au pôle jeunesse | 130 000 000 F | Etat : 87 919 000 F |
Aménagement de la rue Jean Jaurès | Renforcement du réseau d’eaux usées et pluviales, prévention des inondations | 202 300 000 F | Etat fonds verts : 150 000 000 F |
Route du Port Despointes | Phase 3 de la requalification de la voie principale du Faubourg Blanchot | 277 538 200 F | - |
VRD quartier de l’Anse Vata | Finalisation des travaux | 50 000 000 F | - |
Piste cyclable du Faubourg Blanchot | Parcours cyclable reliant le rond-point de l’Eau Vive au quartier Latin | 330 500 000 F | AFITF : 171 000 000 F |
Trottoirs | Poursuite du programme de modernisation des trottoirs du centre-ville | 100 000 000 F | - |
Sécurisation de talus | Confortement talus « Bodega » | 88 000 000 F | - |
Place Bir Hakeim | Poursuite de la rénovation de la place | 76 785 300 F | - |
Total | 1 564 568 300 F | 436 919 000 F |
2. Le programme de reconstruction
Parmi les infrastructures ou équipements brûlés ou saccagés lors des émeutes, les premières reconstructions qui seront engagées dès 2025 concerneront :
- les voiries :1 432 000 000 F
- le réseau d’éclairage public : 237 000 000 F
- le réseau de vidéoprotection : 87 636 000 F
- les véhicules et engins : 112 000 000 F
- le mur d’escalade : 200 000 000 F
- la relocalisation de la direction des risques sanitaires : 60 000 000 F
- des études bâtimentaires pour reconstruction : 20 000 000 F
Ces crédits de paiement 2025 s’élevant à plus de 2,1 milliards de francs CFP seront formalisés dans une autorisation de programme spécifique afin d’assurer un suivi détaillé de cette AP uniquement consacrée à la reconstruction.
De plus, les opérations de déconstruction des infrastructures détruites engendrent un coût de 102 millions de francs CFP.
CONCLUSION
En 2024, la Ville a su opérer les ajustements budgétaires difficiles mais nécessaires pour préserver sa situation financière, mais de fortes tensions persistent sur sa trésorerie.
La Nouvelle-Calédonie se trouve confrontée à une situation complexe, où des défis financiers, sociaux et politiques se croisent. L'incertitude quant au financement des besoins pour 2025 en particulier pour les communes est plus que jamais d’actualité. Bien des défis seront à relever pour garantir l’avenir des communes et de la Nouvelle-Calédonie.